Pollen d'Épaves

Le silence des rues a quelque chose d’aimable et de mystérieux. Pourquoi chercher d’autres aventures ? Il n’est pas nécessaire de voir quelque chose d’extraordinaire. Ce qu’on voit est déjà beaucoup. (Robert Walser, Petits textes poétiques, 1914)

En un temps de pandémie et de distanciation sociale*, une ville comme Vigneux-sur-Seine se prête volontiers à une errance photo(géo)graphique. Partir à la dérive dans un état de rêverie active permet de se rendre perméable aux détails anodins, de suivre un jeu de pistes personnel. Aussi ne verrons-nous pas toujours dans ces photographies d’êtres humains, temporairement masqués, mais seulement certaines traces ou fragments de leur apparente activité : murs, affiches, signalisations, fresques, chantiers, portes dérobées, faux-semblants… Je fus en cela guidé par le poète Yves Martin auquel la ville de Vigneux passa jadis commande d’un texte. Ces photographies sont donc à la fois le portrait en creux d’une ville de banlieue, et celui de la distance nécessaire avec l’évocation personnelle de cet auteur à son époque . Elles procèdent de cette ville dans la mesure où elles peuvent parfois jouer avec certains clichés sur la banlieue. (*série initiée en juin 2020 lors de l'épidémie de Covid-19)

Sans cesse on repart, on recommence, cherchant de halte en halte le pourquoi sans réponse, le comment à la fois lyrique et familier de ce mouvement, pareil au monde lui-même qui resurgit sans cesse de ces ruines – où nous passons. Tout serait d’un seul coup englouti dans la dévoration calme de ce bout du monde, et plus jamais je n’aurai besoin de partir. (Jacques Réda, Les ruines de Paris, 1977)