Une Poignée de Sable

J’ai conservé tous les grains de sable qui ont grippé mes machines et contrarié mes projets ainsi que toutes les gouttes d’eau qui ont fait déborder mes vases et je jouis à présent d’une jolie plage au bord d’un clair lagon où je passe mes journées, heureux, sans ambition et sans colère. (Eric Chevillard, L’ Autofictif sans égards pour le lecteur sensible, 2023)

[ Avec des images se faire un film, tout un cinéma qui, du documentaire, bascule dans la fiction. Une mosaïque romanesque. Déjà évoquée dans "F(r)ictions", la narration en jeu consiste, par libre association, à disposer des parcelles de réel en un mélange indécis, ajuster ensuite les pièces du puzzle, en combiner les morceaux épars par condensation, contamination, profusion, essaimage, effraction, constellation… – rapprocher ce qui est séparé. Il peut alors apparaître " une sorte de chaos pondéré " dont l’état provisoire exclut toute autre organisation et sa nature la perspective d’un aboutissement. La couleur même du récit reste allusive, comme exténuée. Mais s’agit-il encore de couleur ? Ou ne glisse-t-elle pas dans la trame indéfinissable d’une saison incertaine ? ]

En chemin, nous avons un peu parlé de cette poignée de sable en quoi se résume ce dont nous sommes conscients, prélevée sur cet immense paysage qu’est l’univers qui nous entoure. ( Robert M. Pirsig, Traité du zen et des motocyclettes, 1974)